L’article 150-0 B ter du Code général des impôts offre un mécanisme de report d’imposition pour les plus-values de cession de titres réalisées lors d’apports. Ce dispositif permet, sous certaines conditions, de différer l’imposition de ces plus-values. Découvrez les détails de ce régime fiscal, les critères d’éligibilité, les implications pratiques et l’évolution réglementaire dans ce guide complet.
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En résumé :
La définition et la portée de l’article 150-0 B ter du CGI
L’article 150-0 B ter du CGI permet, sous conditions, de reporter l’imposition de la plus-value réalisée lors de l’apport de titres à une société soumise à l’IS contrôlée par l’apporteur. En principe, ce report prend fin en cas de cession à titre onéreux, rachat, remboursement ou annulation des titres apportés dans les 3 ans suivant l’apport.
Toutefois, le report peut être maintenu si la société bénéficiaire de l’apport cède les titres dans ce délai de 3 ans et s’engage à réinvestir au moins 60% du produit de cession dans un délai de 2 ans, notamment :
- dans le financement de son activité opérationnelle ;
- dans l’acquisition d’une fraction du capital d’une société opérationnelle lui en conférant le contrôle ;
- dans la souscription au capital initial ou à l’augmentation de capital de sociétés opérationnelles.
Dans un arrêt du 16 février 2024, le Conseil d’État a apporté des précisions sur la condition de réinvestissement avec prise de contrôle. Il a jugé que cette condition doit s’apprécier uniquement au moment du réinvestissement, peu importe que la société ait pu avoir ce contrôle auparavant puis l’avoir perdu entretemps.
Le Conseil d’État adopte donc une lecture littérale et stricte de cette condition, s’éloignant de l’interprétation plus restrictive de l’administration fiscale. Cette dernière avait considéré dans une mise à jour de sa doctrine que certains schémas pouvaient constituer un abus de droit permettant de maintenir artificiellement le report d’imposition.
Cet arrêt rappelle donc que les conditions de l’article 150-0 B ter, dispositif anti-abus, doivent être appliquées strictement. La prise de contrôle s’apprécie uniquement à la date du réinvestissement, indépendamment du contrôle qui pouvait exister auparavant.
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Les conditions d’éligibilité et les formalités administratives
Conditions liées à la société bénéficiaire de l’apport
La société holding qui reçoit l’apport de titres doit être soumise à l’impôt sur les sociétés en France, dans un Etat membre de l’UE ou dans un Etat ayant conclu avec la France une convention fiscale comportant une clause d’assistance administrative. Elle doit être contrôlée par l’apporteur à l’issue de l’opération d’apport.
Ce contrôle s’apprécie à la date de l’apport, en tenant compte des droits détenus directement ou indirectement par l’apporteur, son conjoint, leurs ascendants ou descendants. Il y a contrôle lorsque l’apporteur détient la majorité des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux, seul ou via un pacte d’actionnaires. Il est présumé contrôler la société s’il détient plus du tiers des droits de vote ou dans les bénéfices et qu’aucun autre associé ne possède une fraction supérieure.
Obligations déclaratives au titre de l’apport
La société bénéficiaire de l’apport doit fournir à l’apporteur une attestation mentionnant le montant de la plus-value placée en report d’imposition sur les titres reçus. L’apporteur doit déclarer ce montant sur les formulaires n°2074-I (détail du report) et n°2042 (revenus) de l’année de l’apport et les années suivantes tant qu’il n’est pas mis fin au report.
Des mentions spécifiques sont exigées en cas de réinvestissement du produit de cession des titres apportés (attestations du réinvestissement effectif ou de l’engagement de réinvestir).
En cas de donation des titres grevés du report, des obligations particulières s’appliquent au donataire qui doit notamment mentionner le montant de la plus-value en report.
Le décret n°2020-1335 du 3 novembre 2020 a actualisé et précisé le formalisme des attestations et déclarations à produire par la société bénéficiaire de l’apport dans les différentes situations.
Les implications pratiques du régime de report d’imposition
L’article 150-0 B ter du Code général des impôts (CGI) permet aux entrepreneurs de bénéficier d’un report d’imposition sur les plus-values réalisées lors de l’apport de leurs titres à une société holding qu’ils contrôlent. Ce mécanisme fiscal avantageux soulève cependant de nombreuses questions pratiques quant aux conditions d’éligibilité et aux obligations à respecter pour maintenir le report d’imposition dans la durée.
Réinvestissement et prise de contrôle : la position stricte du Conseil d’État
Pour que le report d’imposition soit maintenu en cas de cession des titres apportés dans les 3 ans, la société bénéficiaire de l’apport doit notamment s’engager à réinvestir au moins 60% du produit de cession dans l’acquisition du contrôle d’une société opérationnelle. Une décision récente du Conseil d’État est venue préciser que cette condition de prise de contrôle doit s’apprécier strictement au moment du réinvestissement, sans tenir compte d’un éventuel contrôle préexistant de la société cible (CE 16 février 2024 n°454678).
Dans cette affaire, une holding avait réinvesti le produit de cession des titres apportés dans l’acquisition de parts d’une société qu’elle contrôlait déjà indirectement. Pour l’administration fiscale, ce réinvestissement n’était pas éligible car il ne conférait pas un nouveau contrôle. Mais le Conseil d’État a donné raison au contribuable, jugeant que la holding avait bien pris le contrôle direct de la société cible au moment du réinvestissement, le contrôle indirect détenu précédemment ayant été perdu entre-temps.
Abus de droit et montages artificiels
L’administration fiscale se montre également vigilante sur les montages visant à maintenir artificiellement le report d’imposition. Elle a ainsi considéré comme abusif le fait pour une holding ayant cédé les titres apportés de réinvestir dans la société acheteuse via l’incorporation d’un crédit-vendeur au capital (BOI-CF-IOR-30-20 n°110). Un tel schéma serait constitutif d’un abus de droit sur le fondement de la fraude à la loi.
Les exemples de jurisprudence et la position de l’administration illustrent l’importance d’anticiper en amont les conditions de validité du réinvestissement pour sécuriser le report d’imposition. La définition du contrôle et des activités éligibles nécessite une analyse factuelle approfondie au cas par cas. Une structuration trop artificielle des opérations comporte par ailleurs des risques significatifs de remise en cause.
Le cadre légal et l’évolution réglementaire
L’article 150-0 B ter du Code Général des Impôts (CGI) encadre depuis 2012 le dispositif d’apport-cession permettant le report d’imposition des plus-values réalisées lors de l’apport de titres à une société contrôlée par l’apporteur. Depuis son introduction, cet article a connu plusieurs ajustements législatifs pour adapter le mécanisme et préciser ses conditions d’application.
Principales évolutions de l’article 150-0 B ter depuis 2012
Parmi les changements notables, on peut citer :
- Le rehaussement en 2019 de 50% à 60% du quota de réinvestissement du produit de cession pour maintenir le report d’imposition en cas de cession des titres moins de 3 ans après l’apport
- L’élargissement en 2019 également des supports éligibles au remploi, avec l’ajout de véhicules de capital-investissement type FCPR, FPCI, SCR et SLP
- L’assouplissement en 2020 des délais d’appel et d’investissement des fonds, avec la possibilité de libérer le capital sur 5 ans au lieu de 2 auparavant
Le tableau ci-dessous synthétise les principales modifications apportées à l’article 150-0 B ter du CGI depuis 2012 :
Date | Modification | Conséquences |
---|---|---|
2019 | Hausse du quota de réinvestissement | Passe de 50% à 60% minimum du produit de cession à réinvestir |
2019 | Élargissement des supports éligibles | Ajout des FCPR, FPCI, SCR et SLP aux réinvestissements possibles |
2020 | Assouplissement des délais d’appel/remploi | Capital libéré sur 5 ans au lieu de 2 pour les fonds |
Le cadre réglementaire de l’apport-cession a donc beaucoup évolué ces dernières années pour s’adapter aux besoins et contraintes des entrepreneurs. Les ajustements visent à préserver l’attractivité du dispositif tout en maintenant des garde-fous pour prévenir les abus.
Ces modifications successives ont contribué à dynamiser le recours à l’apport-cession, en accroissant les opportunités de réinvestissement éligibles au report d’imposition grâce à un champ plus large et des règles assouplies. Néanmoins, il conviendra de rester vigilant sur les prochains ajustements potentiels, motivés par un souci d’équilibre entre incitation fiscale et prévention de l’évasion fiscale.
Une étude de cas et directives administratives récentes
En complément de l’analyse du cadre légal et de l’évolution réglementaire de l’article 150-0 B ter du CGI, il est pertinent d’étudier des cas concrets d’application de ce dispositif afin de mieux en comprendre les enjeux pratiques pour les contribuables et les praticiens.
Cas d’un apport de titres suivi d’une cession rapide
Un arrêt récent du Conseil d’État du 16 février 2024 (n°461689) apporte un éclairage intéressant sur la notion de réinvestissement avec prise de contrôle dans le cadre de l’article 150-0 B ter. Dans cette affaire, un contribuable avait apporté en juillet 2016 les titres d’une société G à une holding GA7 qu’il contrôlait, réalisant une plus-value de plus de 3 millions d’euros placée en report d’imposition. Quelques mois plus tard en septembre 2016, la société G rachetait puis annulait les titres apportés. En octobre 2016, pour maintenir le report, la holding GA7 réinvestissait plus de 50% du produit de cession (seuil minimum applicable à l’époque) en acquérant auprès de cette même société G des parts d’un Groupement Forestier B.
L’administration fiscale avait remis en cause le maintien du report, estimant que GA7 contrôlait déjà le Groupement Forestier B à l’issue de l’apport initial de juillet 2016, via sa participation de 42% dans la société G qui elle-même détenait 97,5% du Groupement. Le réinvestissement d’octobre 2016 n’aurait donc pas conféré un nouveau contrôle à GA7. Mais le Conseil d’État a validé l’analyse de la Cour Administrative d’Appel qui avait donné raison au contribuable, jugeant que même si GA7 contrôlait initialement le Groupement via G, elle en avait perdu le contrôle suite au rachat par G de ses propres titres en septembre 2016. L’acquisition directe de parts du Groupement en octobre lui en avait bien redonné le contrôle, satisfaisant ainsi la condition de réinvestissement de l’article 150-0 B ter.
Position restrictive de l’administration sur certains schémas
La doctrine administrative, mise à jour en août 2020 (BOI-RPPM-PVBMI-30-10-60-20 n°290), adopte cependant une lecture assez stricte de la condition de réinvestissement de l’article 150-0 B ter. Elle considère ainsi comme abusive l’opération suivante permettant artificiellement le maintien du report :
- Apport par un contribuable de la totalité des titres d’une société A à une holding B avec plus-value en report
- Cession par B des titres A pour la même valeur à une société C avec paiement de seulement 40% du prix, le solde faisant l’objet d’un crédit-vendeur
- Incorporation par B de sa créance en compte courant au capital de C en contrepartie de titres C
Pour l’administration, ce type de schéma serait constitutif d’un abus de droit (CGI art. L64 A) sur le fondement de la fraude à la loi. Les praticiens doivent donc être vigilants dans la structuration des opérations d’apport-cession.
Structures de réinvestissement éligibles | Règles de détention et d’investissement |
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« La réforme de 2019 ouvrant le réinvestissement via des fonds offre de nouvelles opportunités aux entrepreneurs, mais impose de bien maîtriser les contraintes temporelles et géographiques propres à ces véhicules »
Chloé Dumont, avocate fiscaliste
L’article 150-0 B ter CGI : un levier d’optimisation fiscale pour les apports-cessions de titres
L’article 150-0 B ter du CGI constitue un outil précieux d’optimisation fiscale pour les opérations d’apport-cession de titres. En permettant, sous conditions, le report d’imposition des plus-values, il offre une souplesse appréciable pour les entrepreneurs et investisseurs. Néanmoins, la complexité des critères d’éligibilité et des obligations déclaratives requiert une analyse minutieuse de chaque situation. L’évolution réglementaire constante de ce dispositif implique également une veille juridique régulière pour sécuriser son application.
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