En résumé :
Visibilité améliorée des femmes photographes grâce à « Elles x Paris Photo »
Progression du nombre de femmes photographes exposées
Cette année, à l’exposition Paris Photo, 36% des photographes exposées seront des femmes, comparativement à 20% en 2018. Cette progression notable de la visibilité des femmes dans l’univers de la photographie peut en grande partie être attribuée à l’initiative « Elles x Paris Photo ». Lancé en 2018 par le ministère de la Culture en collaboration avec Paris Photo et soutenu par le programme Women in Motion de Kering, ce dispositif a grandement contribué à la reconnaissance du rôle et de la place des femmes photographes dans l’industrie de la photographie. Fannie Escoulen, cheffe du Département de la photographie à la direction générale de la création artistique au ministère de la Culture, fait le bilan de cette initiative exceptionnelle.
Importance de « Elles x Paris Photo » dans l’évolution de la place des femmes dans la photographie
En cinq ans, des progrès notables ont été réalisés en faveur des femmes photographes, grâce à une mobilisation sans précédent qui a permis aux différents acteurs du secteur de prendre conscience de la sous-représentation des femmes dans le domaine de la photographie. Le parcours « Elles x Paris Photo », ainsi que les actions de plusieurs personnalités et collectifs, ont joué un rôle crucial dans cette prise de conscience. Cela a également été rendu possible grâce aux dénombrements statistiques précis que nous avons aidé à établir et à rendre publics. Ces données démontrent sans équivoque la sous-représentation des femmes à tous les niveaux de la scène photographique.
Après cinq ans, les résultats sont là, les choses ont commencé à évoluer. D’année en année, les chiffres augmentent, que ce soit à Paris Photo – cette année, 36% des femmes seront exposées dans les allées de la foire, contre 20% en 2018 – mais aussi dans les expositions, les collections, les programmations, en particulier dans les festivals où la parité est atteinte (plus de 52% de femmes prévues en 2022 dans les festivals et les lieux de diffusion photographique). La photographie, qui fêtera son bicentenaire en 2026, est encore très jeune. Nous espérons que la visibilité des femmes ne sera plus un sujet dans les années à venir.
La démarche originale du parcours « Elles x Paris Photo »
Les atouts du parcours
L’originalité de la démarche est sans aucun doute le premier atout du parcours « Elles x Paris Photo ». En 2018, lorsque le ministère de la Culture a décidé de mettre en place ce parcours au sein du premier événement mondial de la photographie, un tsunami médiatique a suivi, tellement l’initiative était unique. Depuis, l’intérêt des médias et du public n’a jamais fléchi. Un autre point fort du parcours a été d’inciter les galeries de Paris Photo à exposer davantage de femmes photographes. Et les galeries ont adhéré. Nous avons vu le nombre d’artistes femmes augmenter au sein des galeries, mais aussi le nombre d’expositions individuelles pendant Paris Photo. Il est en effet une chose de présenter des femmes dans une galerie, mais c’en est une autre de leur accorder une exposition individuelle. C’est là une réalisation majeure du parcours.
La question du taux d’acquisition des œuvres de femmes photographes
Progrès dans les acquisitions d’œuvres de femmes photographes
En 2022, 39% des acquisitions photographiques des collections publiques sont des œuvres de femmes, ce qui est un chiffre significatif. Le pourcentage d’acquisition d’œuvres de femmes photographes dans les collections publiques était de 14% en moyenne pour la période 2010-2017 (source Vidéomuseum 2019). Ce retard sera donc long à rattraper. Cependant, et je peux le constater en tant que membre de la commission d’acquisition et de commande du Centre national des arts plastiques, le respect de la parité est vigilamment surveillé lors de chaque nouvelle acquisition.
Éviter le « décrochage » dans la carrière des femmes photographes
Comme dans la vie professionnelle des femmes en général, la carrière des femmes photographes connaît des décrochages, souvent dus à la maternité. Toutefois, contrairement au monde du travail où les salariées peuvent retrouver un poste équivalent à celui qu’elles ont quitté, cela est moins le cas dans les carrières artistiques, où un décrochage peut être insurmontable. C’est d’autant plus vrai pour les femmes photographes qui sont amenées à se déplacer, à partir en reportage…
Eviter ce décrochage est donc un de nos objectifs. Alors que les femmes représentent un peu plus de 50% des étudiants dans les écoles de photographie, elles ne sont plus que 20 à 23% de professionnelles autour de 40 ans. Nous avons récemment lancé avec la Cité internationale des arts le programme « Elles & Cité » qui offrira à partir de 2024 des résidences à des femmes photographes en milieu de carrière et résidant en dehors de l’Ile-de-France, donc loin de certains réseaux professionnels. Nous essayons également d’étudier comment les enfants pourraient être accueillis dans les résidences.
Problème des revenus chez les femmes photographes
Il est tout à fait vrai que lorsque la carrière d’un homme photographe progresse entre 40 et 50 ans, celle d’une femme ralentit. Nous devons donc continuer à soutenir les femmes tout au long de leur parcours professionnel, y compris à la fin de leur carrière, après 60 ans, où leurs revenus sont moindres. Nous devons donc réfléchir à la question des revenus. La politique d’acquisitions d’œuvres photographiques est particulièrement importante à cet égard. Nos institutions doivent rattraper leur retard et nous devons travailler sur des programmes incitatifs vis-à-vis de l’acquisition qui constitue une réelle source de revenus pour les artistes, et donc pour les femmes photographes.
Les femmes commissaires au cœur de « Elles x Paris Photo »
Rôle des commissaires dans l’histoire de la photographie
Chaque édition de « Elles x Paris Photo » est supervisée par une commissaire qui propose sa propre interprétation de l’histoire de la photographie. Le choix des femmes pour ce rôle était évident pour nous. Premièrement, parce qu’elles aussi ont souvent rencontré des difficultés dans leur parcours professionnel. Deuxièmement, parce qu’elles sont convaincues de la pertinence de la cause des femmes photographes. Enfin, ces commissaires ont le don d’être attentives à des esthétiques longtemps négligées. C’est cet aspect – proposer une relecture de l’histoire de la photographie – qui est particulièrement intéressant. Les commissaires et les directrices d’institutions ont été les premières à s’en emparer.
Importance des livres de photographie pour la diffusion du travail des femmes photographes
Reconnaissance des femmes photographes grâce aux livres de photographie
Le livre de photographie est un outil d’expression et pas seulement une publication ou un catalogue, il participe à la reconnaissance des photographes, qu’ils soient hommes ou femmes. C’est un objet à part entière, qui rend compte d’un travail et lui donne une forme. C’est donc un espace d’expression inestimable. Aussi, même si beaucoup le font déjà, il est essentiel d’encourager les éditeurs à ouvrir encore davantage leurs catalogues aux femmes photographes.
Pour les 5 ans de « Elles x Paris Photo », nous avons récemment compilé les images et les témoignages de 130 photographes contemporaines, ainsi que les contributions des commissaires, dans un livre publié aux éditions Textuel. Le résultat donne une idée de l’ampleur et de la diversité de la production des femmes photographes.
Thème de « Elles x Paris Photo 2023 : Se réapproprier les récits »
L’édition 2023 du parcours « Elles x Paris Photo » intitulée « Se réapproprier les récits » est prévue pour la commissaire Fiona Rogers. Dans le sillage de Nan Goldin, une nouvelle génération d’artistes remet en question les vérités univoques et binaires et réinvente les récits. Cette prometteuse édition sera à découvrir à partir du 9 novembre.
👉 Vous utilisez Google News ? Ajoutez Culture Commune pour ne rien rater !
